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    L’Union Africaine prévoit de lancer son agence de notation financière au 2e semestre 2025

    (Agence Ecofin) - Plusieurs dirigeants africains estiment que les trois grandes agences de notation internationales évaluent avec un « biais négatif » le risque de crédit des pays du continent et les privent d’accéder à des ressources financières vitales.  

    L’Union africaine (UA) prévoit de lancer une nouvelle agence de notation financière africaine au deuxième semestre 2025 pour répondre aux préoccupations des pays du continent face aux évaluations « parfois arbitraires » des grandes agences internationales, selon un rapport publié le mardi 11 février par le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP).

    Instrument de l’UA chargé de la mise en œuvre du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) et de l’évaluation de la performance des Etats membres en matière de gouvernance, le MAEP précise que cette agence de notation africaine « sera l'une des principales institutions financières qui va œuvrer à équilibrer la position du continent dans l'architecture financière mondiale ».

    Le rapport intitulé « Africa sovereign credit rating outlook – 2024 year-end review » révèle que les décideurs politiques africains et les chefs de file du secteur des services financiers ont convenu de faire de l'agence « une entité indépendante et pilotée par le secteur privé », dont le principal atout sera une « sensibilité au contexte, qui lui permettra de générer des informations plus complètes sur le profil de crédit en utilisant des experts compétents basés en Afrique et en bénéficiant d'un accès relativement meilleur aux données ».

    La création d’une agence de notation financière africaine avait été annoncée en septembre 2023 par l’UA, après plusieurs années de controverse sur les méthodes des « Big Three » (Moody’s, Fitch et S&P), qui sont souvent accusés d’évaluer avec un « biais négatif » le risque de crédit des économies africaines et de pousser les taux d’emprunt à la hausse, au point parfois de leur fermer l’accès au marché.

    Un manque à gagner de 74 milliards $

    Alors qu’il assurait la présidence tournante de l’UA, l’ex-président sénégalais Macky Sall avait par exemple appelé, en mai 2022, à la création d’une agence de notation financière africaine pour « mettre fin aux injustices » subies par les pays du continent.

    « En 2020, alors que toutes les économies subissaient les effets de la covid-19, 18 des 32 pays africains notés par au moins l’une des grandes agences d’évaluation ont vu leur notation dégradée. Cela représente 56% de notations dégradées pour les pays africains contre une moyenne mondiale de 31% pendant cette période », avait-il expliqué. Et d’ajouter : « des études ont montré qu’au moins 20% des critères de notation des pays africains relèvent de facteurs plutôt subjectifs d’ordre culturel ou linguistique, sans lien avec les paramètres qui jaugent la stabilité d’une économie », tout en indiquant que « cela renchérit le coût du crédit accordé à nos pays ».

    Moody's, Fitch et S&P avaient alors nié toute partialité, affirmant que leurs notations « suivent la même formule d'un continent à l'autre ».

    Dans un rapport publié en avril 2023, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a cependant indiqué que les méthodes d'évaluation des grandes agences de notation ont coûté à l'Afrique des opportunités supplémentaires de financement d'une valeur de 74 milliards de dollars.

    Selon le PNUD, les approches de S&P Global Ratings, Moody's et Fitch pour donner une note à la qualité des émetteurs africains « ne sont pas toujours appropriées », car elles reposent très souvent sur des algorithmes préparés pour une certaine approche de la macroéconomie et ne prennent pas en compte les réalités plus concrètes et spécifiques. Le rapport souligne également que les analystes des agences de notation peuvent manquer de précision en produisant des analyses de risques qui tiennent compte de la vision courante des investisseurs sans évaluer en détail la réalité africaine.

     

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