(Agence Ecofin) - Au Nigéria, plusieurs circonstances économiques sont réunies pour le maintien des prix actuels à leur niveau élevé, voire à une augmentation supplémentaire. Sur plusieurs de ces facteurs les autorités de la banque centrale n’ont pas la capacité d’agir efficacement.
Au Nigéria, le niveau général des prix à la consommation continue de progresser en cette année 2022. Les indicateurs les plus récents du bureau national des statistiques de ce pays annoncent une inflation de 20,77% à la fin du mois d'août. C'est son niveau le plus élevé depuis septembre 2005, selon des données consultées par l'Agence Ecofin.
Malgré des mesures prises et jugées vigoureuses par la banque centrale, certains indicateurs font penser que la situation n'est pas prête de s'améliorer sur le court et moyen terme. L'analyse de ces données et les témoignages de personnes qui vivent la réalité économique du pays font ressortir quatre hypothèses favorables à une remonté supplémentaire des prix ou leur maintien à un niveau élevé.
Les deux premières hypothèses sont un classique des cycles économiques. Les fêtes de fin d'année approchent vont toujours de pair avec une augmentation de la demande de biens, de services et surtout de produits alimentaires. A cela s'ajoute une tendance du secteur commercial à optimiser ses marges. D'un autre côté, la première économie africaine selon le PIB s'achemine vers l'élection présidentielle de 2023, avec à la clé une augmentation des dépenses publiques et privées dans le cadre des campagnes politiques.
Dans les deux cas on peut s'attendre à une augmentation de la demande plus rapide que l'offre. Ce qui provoquera une pression supplémentaire sur les importations, dont le coût est influencé par un dollar déjà élevé sur le marché officiel, mais encore plus sur le marché parallèle, où s'approvisionnent l'essentiel des agents économiques, en raison de la difficulté pour les banques à servir tout le monde.
La deuxième hypothèse a aussi trait à la monnaie, et s'appuie sur le fait que la décision par les autorités nigérianes de changer la forme des billets de banque, provoquera un afflux de cash sur le marché. La banque centrale a expliqué à des journalistes qu'une des raisons de cette initiative est que 80% des billets, d'une valeur estimée à 3200 milliards de nairas (7 milliards $) en circulation, l'étaient dans des circuits informels en dehors des coffres forts des banques. Le défi consécutif est que des personnes qui ont amassé de l'argent dans les coffres privés, voudront le sécuriser rapidement avant toute dépréciation. Cela provoquera sur le court terme une augmentation importante de la masse de nairas en circulation effective, et une demande plus élevée des devises, pour être capable le moment venu, de les convertir avec de nouveaux billets de nairas.
La dernière hypothèse qui est liée aux trois premières : tant que l'accès aux devises comme le dollar américain ou l'euro sera contrainte sur le marché officiel, cela créera de l'opportunité pour le marché parallèle où se réalise actuellement des marges de 65% sur le taux de change officiel. Ainsi, prendre des mesures sur la liquidité bancaire restera sans effet dans une économie où la demande en devise reste forte pour soutenir la consommation de plus 200 millions de personnes.
Le maintien à un niveau élevé de l’inflation pèse sur les performances économiques du Nigéria. Malgré une croissance non négligeable (+15 du Produit Intérieur Brut nominal, qui ne prend pas en compte l’inflation), le PIB réel qui détermine la valeur ajoutée effective créée par une économique, est en hausse de seulement 3,54% au cours du deuxième trimestre 2022.
Pour les investisseurs, un tel niveau d’inflation affecte négativement les rendements sur les placements financiers.