(Agence Ecofin) - Le modèle économique du Botswana, jadis présenté comme un succès africain, doit désormais affronter une transformation mondiale du marché diamantifère qui menace sa principale rente.
S&P Global Ratings a abaissé la note souveraine du Botswana de BBB+ à BBB, assortie d’une perspective négative. Une décision motivée par l’effondrement des recettes diamantifères, la détérioration des comptes publics et l’érosion rapide des réserves de change.
Le diamant, talon d’Achille de l’économie
Deuxième producteur mondial de diamants bruts, le Botswana tire historiquement 70 % de ses exportations et près d’un tiers de ses recettes publiques de cette seule ressource. Mais depuis 2023, la chute des prix et de la demande mondiale – plombée par le ralentissement chinois, le tassement de la consommation américaine et la montée en puissance des diamants de synthèse – a fait vaciller ce modèle.
Le produit intérieur brut s’est contracté de 3 % en 2024, puis de 0,4 % attendu en 2025, selon S&P. La production de Debswana, coentreprise entre l’État et De Beers, a été réduite de 40 % depuis 2023. Une cure d’austérité forcée pour un pays dont la croissance avait longtemps été un modèle en Afrique australe.
Déficits jumeaux et dette en hausse
La chute des recettes diamantifères a eu un effet immédiat sur les finances publiques. Le déficit budgétaire a atteint 8,9 % du PIB lors de l’exercice clos en mars 2025, un record depuis deux décennies. Pour 2025-2026, S&P anticipe un déficit encore élevé, à 7,6 % du PIB, avant une réduction progressive autour de 5 % à l’horizon 2028.
La dette nette, longtemps quasi nulle, grimpe rapidement : de 6,3 % du PIB en 2023, elle devrait dépasser 33 % d’ici 2028. En parallèle, les réserves de change se sont effondrées, passant de 4,5 milliards de dollars mi-2024 à 3,2 milliards à la mi-2025, soit une baisse de 27 %.
Le pays affiche également un déficit courant de 4,7 % du PIB en 2024, appelé à se creuser autour de 6,5 % en moyenne entre 2025 et 2028. Un double déséquilibre qui met fin à l’image d’orthodoxie financière cultivée depuis l’indépendance.
Un marché mondial en mutation
Au-delà de la conjoncture, c’est la structure même du marché qui inquiète. Les diamants synthétiques représentent désormais jusqu’à 50 % du marché américain des bagues de fiançailles en volume, avec des prix bien inférieurs et une image de produit « vert ». La demande mondiale de luxe, elle, reste pénalisée par la faible reprise chinoise et un report vers l’or.
Si certaines tendances pourraient être temporaires (comme les surtaxes américaines ou la surabondance de stocks liée aux sanctions contre la Russie), S&P souligne le risque d’un changement durable défavorable aux producteurs de diamants naturels.
Transition politique et défis structurels
La dégradation intervient dans un contexte politique inédit. En octobre 2024, l’opposition de centre-gauche (UDC) a remporté les élections générales, mettant fin à près de 60 ans de domination du Botswana Democratic Party. Le président de la République, Duma Gideon Boko, a promis diversification et réformes structurelles. Un accord signé début 2025 avec De Beers, devrait permettre d’augmenter progressivement la part de diamants commercialisée par l’État via l’Okavango Diamond Company (50 % contre 25 % auparavant).
Le lancement du 12e Plan national de développement et du Botswana Economic Transformation Program, attendu fin 2025, doit marquer un tournant : diversification sectorielle, réformes budgétaires, amélioration de la productivité publique. Mais les marges de manœuvre se réduisent.
La perspective reste négative. « Sans ajustement politique significatif, les positions budgétaires et extérieures continueront de se détériorer », avertit S&P. Le marché du diamant, malgré des signes de reprise modérée, conduit certaines compagnies à réduire leur production. À l’inverse, un rebond durable de la demande mondiale ou une diversification réussie pourraient stabiliser la note.
